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TDA/H : un trouble encore sous-diagnostiqué chez la femme

Photographie : Shingi Rice.
De toutes les métaphores pour décrire le cerveau humain, ma favorite reste celle de l'écosystème : un réseau sain et équilibré, d'une extrême complexité et infiniment diversifié. En d'autres termes, nous sommes tous·tes différent·es, et c'est très bien comme ça.
Pour moi, par exemple, les longs dîners de famille sont ennuyeux au possible. Tout comme les réunions de plus de 40 minutes. Et s'il y a plus de cinq personnages principaux dans un film, ça suffit à me faire quitter la salle de cinéma en hurlant. Je préfère faire de la randonnée, du vélo ou de la course à pied - tout ce qui pourrait m'aider à brûler mon trop-plein d'énergie. 
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Beaucoup de personnes ont tendance à penser que le TDA/H (trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité) est un trouble dont seuls les enfants sont atteints (et qui disparaît à l'âge adulte), mais pour moi, le diagnostique n'est tombé qu'à la vingtaine. Alors que chez les enfants, les symptômes du TDA/H peuvent se traduire par une hyperactivité, des difficultés à se concentrer et un comportement qui peut être perçu comme de l'insolence, à l'âge adulte, ce trouble implique, dans mon cas, une impulsivité, être étourdie et manquer occasionnellement d'attention. 
On ne sait exactement pas ce qui cause le TDA(H), mais des études suggèrent que les personnes atteintes de ce trouble neuro-développemental pourraient souffrir d'un déséquilibre au niveau des neurotransmetteurs du cerveau. Selon la HAS (Haute Autorité de Santé), il persiste cependant en France des discussions à la fois sur son origine purement neurobiologique ; certains auteurs considèrent l'hyperactivité et l'inattention comme des symptômes pouvant révéler divers contextes pathologiques ou problématiques relationnelles. 
Le chemin que doivent parcourir les adultes atteints de TDA/H est donc long et épineux. Les personnes diagnostiquées avec ce trouble qui ont aujourd'hui la vingtaine ont grandi dans les années 90, une époque où il n'était pas rare de voir en couverture de magazine des photos d'enfants sniffant de la Ritaline (un médicament souvent utilisé pour traiter le TDA/H) à l'école. Le TDA/H n'était rien d'autre qu'une excuse pour les mauvais parents, incapables d'"éduquer" leur enfants. D'ailleurs, je me souviens avoir longtemps pensé que c'était un trouble réservé aux "enfants à problèmes" parce que c'est ce qu'on m'avait dit. 
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Dans les faits, ce n'est que récemment que l'on a commencé à parler du TDA/H chez l'adulte. Deux études récentes ont exploré comment les symptômes du TDA/H se manifestent différemment chez l'adulte.
L'une des études, menée par le London King's College, a révélé que près de 70 % des jeunes adultes testés positifs au TDA/H dans le cadre de leur étude ne semblaient pas souffrir de ce trouble dans leur enfance.
Il est intéressant de noter que la plupart des adultes diagnostiqués, 55 % selon les deux études publiées dans la revue JAMA Psychiatry, s'avèrent également être des femmes. L'étude suggère que les personnes diagnostiquées à l'âge adulte étaient plus susceptibles d'avoir un QI au-dessus de la moyenne : "Cela est peut-être dû au fait que les symptômes ne sont pas handicapants avant les enjeux croissants d'études plus avancée et plus exigeante". Et pourtant, parce que le trouble rend difficile la concentration et le calme, il peut être plus difficile pour les personnes atteintes de TDA/H de réussir leurs études et leur vie professionnelle.

A l'âge adulte, l'hyperactivité est quasiment inexistante. Certaines personnes ressentent une agitation intérieure, mais elles ne grimpent pas aux meubles et ne dévalent pas les rampes d'escalier.

Dr Russell A Barklay
Le Dr Russell A. Barklay est un expert en matière de TDA/H et professeur clinicien de psychiatrie à l'Université médicale de Caroline du Sud. Dans un article récent, il explique comment les symptômes du TDA/H évoluent avec l'âge : "A l'âge adulte, l'hyperactivité est quasiment inexistante. Certaines personnes ressentent une agitation intérieure, mais elles ne grimpent pas aux meubles et ne dévalent pas les rampes d'escalier." Un porte-parole de l'association caritative ADDISS explique que les adultes sont généralement diagnostiqués avec le TDAH après un burn-out. "Les personnes atteintes de TDAH sont contraintes de se donner à 500 % tout au long de leur enfance et de leurs différents examens et supposent simplement que tout le monde doit travailler aussi dur qu'elles. Lorsqu'elles quittent la maison, elles connaissent une sorte de surmenage. Souvent, leurs parents les ont aidés, mais lorsqu'ils quittent cette structure de soutien, les symptômes du TDAH apparaissent". 
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Laura Ho, 26 ans, est aujourd'hui pharmacienne et a été étiquetée "surdouée" pendant ses études secondaires. À 21 ans, elle est allée voir un conseiller universitaire car elle souffrait d'une anxiété extrême au moment de passer des examens. "Nous avons découvert que cela provenait d'un TDAH. Le fait d'être dans une grande salle avec plus de 300 étudiants en même temps entraînait de nombreuses distractions mineures et rendait impossible de passer les examens. J'ai découvert plus tard qu'il y avait de nombreux signes révélateurs du TDAH - par exemple, je suis toujours en retard et j'oublie beaucoup de choses".
Être un adulte atteint de TDA/H signifie souvent qu'il faut faire face à ces problèmes seul·e ; aucun parent n'est là 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour vous tenir la main, vous montrer où sont vos chaussures, puis votre manteau, puis les clés de la maison. Je me retrouve enfermée à l'extérieur de mon appartement bien plus souvent que quiconque. J'oublie mon passeport dans les avions, je perds des cartes de visite même lorsqu'on vient de me les remettre et, dans les avions, je laisse mon sac dans le compartiment. J'ai été serveuse, et il m'est arrivé de servir des plats aux mauvaises tables, ou de bondir dans le restaurant avec entrain pour découvrir que j'avais frappé la caisse avec un peu trop de zèle et que la table 12 se retrouvait avec huit bols de spaghetti.
Jusqu'à l'âge de 22 ans, les employeurs me disaient que j'étais sympathique et intelligente, mais essentiellement trop désorganisée pour occuper un emploi à temps partiel. Le TDA/H n'affecte pas seulement les employé·es exerçant des activités manuelles. Il peut même être encore plus difficile de mener une carrière universitaire avec un TDA/H. 
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Emily Jones, 27 ans, a été diagnostiquée TDAH à l'âge de 20 ans après avoir rencontré des difficultés à lire. "Il y avait des choses que je voulais savoir, des choses qui m'intéressaient, des choses que je voulais vraiment lire, mais je n'y arrivais pas. Quand je me suis retrouvée assise dans un café, tenant un livre que je voulais lire et pleurant de frustration parce que je n'y arrivais pas, j'ai compris qu'il y avait quelque chose qui clochait". 
Le TDA/H se manifeste par une grave incapacité à se concentrer. Laura a constaté que ce trouble a eu un impact considérable sur sa carrière, ce qui, lorsqu'on débute au bas de l'échelle après l'obtention de son diplôme, est la dernière chose dont on a besoin. "Je suis pharmacienne maintenant, donc je vérifie jusqu'à 350 commandes par jour. Chaque commande ne demande qu'un court instant de concentration avant de passer à la suivante, c'est donc un travail formidable pour moi. Avant cela, je travaillais dans une entreprise pharmaceutique, où les tâches étaient beaucoup plus longues et axées sur des projets, et c'était le pire job pour moi !"

Il peut être difficile d'occuper des postes administratifs en raison des symptômes d'inattention, d'impulsivité et d'hyperactivité.

Le journal BMC Psychiatry a publié des recherches suggérant que la réussite professionnelle pouvait être compromise par un TDA/H. Des études ont révélé que les carrières nécessitant des compétences organisationnelles ou une attention aux détails, comme dans le domaine administratif, pourraient être entravées par ce trouble : "Il peut être difficile d'occuper des postes administratifs en raison des symptômes d'inattention, d'impulsivité et d'hyperactivité", alors que les problèmes de coordination motrice sont susceptibles de nuire aux professions physiques. 
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Un taux d'absence plus important et une stabilité professionnelle moindre sont des tendances chez les personnes atteintes de TDA/H, et compte tenu de la quantité d'énergie nécessaire pour mener à bien les fonctions quotidiennes, cela n'est pas surprenant. 
Pour Emily, fonctionnaire, être à son bureau l'ennuie. Elle s'en sort beaucoup mieux dans un poste à haute intensité où le téléphone sonne en permanence et où elle doit courir partout. "Bien que ce ne soit pas idéal à long terme pour qui que ce soit, car c'est stressant ! Emily dit que le TDA/H a également provoqué chez elle une crise de confiance en elle. Elle pensait que tout le monde autour d'elle était plus intelligent parce qu'ils étaient capables de lire ou d'écouter : "Je devais prétendre que j'avais lu ce qu'ils avaient lu, ce qui me donnait l'impression d'être un imposteur". 
La Ritaline est souvent prescrite aux personnes souffrant de TDA/H, mais les effets secondaires peuvent être extrêmes et les maux de tête, bouffées de chaleur, nausées, tremblements, palpitations et épuisement sont courants. Emily raconte qu'une fois, elle a dû quitter précipitamment une réunion importante parce qu'elle se sentait malade. 
Le psychologue de Laura lui a dit que l'exercice sert d'exutoire pour aider à "brûler" le trop-plein d'énergie du TDAH. De même, si je ne cours pas, ne nage pas ou ne m'entraîne pas avant de me mettre au travail pour la journée, je peux continuer à travailler pendant environ une heure avant de commencer à avoir la bougeotte. 
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En repensant à mes 20 ans, je me rends compte que si j'avais eu la confiance nécessaire pour dire à mes patrons que oui, je pouvais le faire, que j'avais juste besoin de me mettre au calme, ces années auraient pu être très différentes.
C'est pourquoi une plus grande sensibilisation au TDA/H chez les adultes est essentielle, en particulier pour celles et ceux qui jonglent avec une carrière, une vie sociale et une vie de couple. Si nous oublions nos clés de temps en temps, la plupart des personnes diagnostiquées avec un TDA/H à l'âge adulte sont suffisamment brillantes pour avoir réussi leurs examens universitaires sans médicaments ni soutien. Faisons en sorte que nous puissions en parler à nos employeurs ou à nos partenaires sans craindre d'être licenciés ou de ne pas avoir de deuxième rendez-vous. 
Le TDA/H est un sujet sérieux, et avec la bienveillance et la patience nécessaires, nous pouvons nous débrouiller dans la vie quotidienne comme n'importe qui d'autre... Et, non, on ne sautera pas partout sur votre canapé, promis.

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