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Marques de mode : arrêtez de simuler l’inclusion des plus-size

ILLUSTRATED BY ELLEN MERCER
Au moins une fois par mois, je me retrouve happée par une marque qui affiche un mannequin presque gros sur ses réseaux sociaux. Le mannequin - ou plus souvent, l'influenceuse - porte des vêtements qui lui vont à merveille, ce qui m'incite à me précipiter sur le site de la marque, ravie à l'idée qu'elle propose peut-être, enfin, des grandes tailles. Malheureusement, c'est rarement le cas. 
Plutôt que de rendre leur gamme de tailles plus inclusive, ces marques se contentent de partager l'image d'une personne portant la plus grande taille de leur collection - un 46 si on a de la chance, mais plus probablement un 42 avec du tissu extensible - dans une tentative de paraître plus inclusive. C'est un acte que j'aime qualifier de "fat baiting". 
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Honnêtement, pour les gros·ses qui pensent que ces marques pourraient les satisfaire, l'éventuelle (et tellement prévisible) déception est plus écrasante que de tomber sur des marques qui ne partagent que des images de personnes minces dans leurs vêtements. 
Cette critique peut sembler exagérée - après tout, si les mannequins sur les photos entrent dans les vêtements, quel mal y a-t-il à le célébrer ? Le problème essentiel ici est que c'est d'une image dont il est question, et non d'une réelle représentation. Et cette image empêche les consommateur·ices de faire avancer les choses et permet aux marques de se reposer sur leurs lauriers. La grande majorité de la communauté plus-size se voit vendre des vêtements sur des mannequins qui se situent à l'extrémité la plus petite du spectre grande taille - mais qu'en est-il du reste d'entre nous ? Lorsque je vois des photos de mannequins comme Lucy Knell et Imani Randolph - respectivement mannequin ronde et créatrice de contenu qui ont toutes deux fait beaucoup pour faire avancer la représentation des personnes rondes et de corpulence moyenne - sur le fil Instagram du label culte londonien House of Sunny, j'ai l'espoir que la marque s'adresse à un éventail de tailles plus large. En réalité, elle propose des tailles XS-XL, ce qui, d'après son tableau des tailles, correspond aux tailles 34 à 42.
Bien sûr, ce n'est pas une critique des créatrices rondes comme Lucy et Imani, mais plutôt de l'industrie dans son ensemble. Comme en France 40 % des femmes feraient une taille 44 et plus, il est probable que la plupart d'entre nous ne se reconnaissent pas lorsque nous faisons défiler nos flux Instagram ou les sites de nos marques préférées. 
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Lorsque j'ai contacté House of Sunny pour un commentaire, je n'ai reçu aucune réponse, mais la marque est loin d'être la seule à avoir ce comportement - en réalité, elle est loin d'être la plus mauvaise élève. 
Megan, une diplômée en stylisme de 30 ans qui travaille dans la vente, porte une taille 48-54 selon la marque, a énuméré un certain nombre de marques qui, selon elle, se rendent coupables de cela, de Rixo et Daily Sleeper à Lucy & Yak. Lorsque j'ai pris contact avec elles, les trois marques m'ont répondu par des déclarations sur leur manque d'inclusion, allant de la déclaration évasive - Rixo m'a assuré qu'ils auraient "des nouvelles très intéressantes à annoncer bientôt" - à la déclaration optimiste - Lucy & Yak a promis une gamme allant jusqu'à la taille 54 dans les prochains mois, avec l'objectif d'aller jusqu'à la taille 60 dans un avenir proche. La réponse de la marque Daily Sleeper, la plus décevante, a été de célébrer les tailles actuelles 2X et 3X, qui, lorsqu'on les a poussées à être plus claires, correspondent respectivement aux tailles 44 et 46. Ils ont toutefois précisé que la marque prévoyait "une nouvelle expansion du tableau des tailles en fonction des retours des clients".
Ces tentatives d'inclusivité minimales ne sont pas acceptables. "Je ne pense pas qu'il soit dramatique de dire que j'ai l'impression de me faire manipuler par ces marques qui se présentent comme inclusives, mais qui plafonnent à une taille 42/44, surtout quand l'inclusivité est au cœur de leur communication", me dit Alanna, 32 ans, maître de conférences en communication de la mode, qui porte une taille 50/52. "Je pense que cela envoie également le message que si vous êtes grosse, vous ne méritez pas qu'on vous habille". 
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Qu'il s'agisse d'utiliser un langage inclusif ou de représenter des tailles plus larges sur vos flux de réseaux sociaux sans réellement répondre aux personnes que vous prétendez représenter, cela prouve que l'illusion d'inclusivité n'est là que pour séduire leur marché cible mince. C'est la version de l'industrie de la mode du wokefishing, qui consiste à faire semblant de se préoccuper des personnes plus-size pour que les client·es de taille "standard", politiquement sensibles, se sentent plus à l'aise en faisant leur shopping dans ces magasins. 
"Utiliser des mannequins grande taille dans vos campagnes est un moyen rapide de gagner des points, mais cela ne veut rien dire si les vraies grosses ne peuvent pas trouver leurs tailles lorsque nous voulons acheter ces articles", approuve Christina, une responsable des réseaux sociaux de 28 ans qui porte une taille 48/50. "Les marques qui proposent des lignes 'curve', mais qui ne mettent pas réellement en scène des personnes grande taille dans leur marketing sont également sur ma liste noire", ajoute-t-elle.
Une fois additionnés, ces arguments peuvent sembler représenter une norme impossible à respecter pour les marques, mais Brie Read, PDG et fondatrice de Snag Tights, qui propose des tailles 32 à 64, n'est pas d'accord. "Si certains peuvent penser que les marques de mode font un grand pas en avant en incluant des mannequins plus-size dans les campagnes publicitaires, la plupart des consommateurs d'aujourd'hui sont suffisamment avisés pour voir clair dans ce genre de gestes de façade et vont donc faire leurs achats ailleurs. Nous l'avons vu avec la récente faillite de plusieurs grands détaillants au Royaume-Uni qui, de notoriété publique, n'étaient pas assez ouverts aux personnes de grande taille. Élargir d'une ou deux tailles une collection existante conçue pour des personnes de taille standard, ou inclure des mannequins "curvy" dans des shootings pour des collections qui ne proposent même pas leurs tailles, n'est tout simplement pas suffisant. Une véritable inclusivité signifie bien plus".
Nous sommes en 2021, et si la pandémie nous a appris quelque chose au sujet de la mode - de la disparition des géants de la grande distribution aux critiques sur les réseaux sociaux - c'est que nous ne tolérons plus le militantisme de façade. Espérons que les marques tiendront leurs promesses et que nous pourrons acheter un plus large éventail de vêtements grande taille à l'avenir. S'il me restait un peu d'espoir, je demanderais instamment aux marques - nouvelles, anciennes, celles qui luttent pour survivre et celles qui prospèrent - de réaliser que le seul chemin vers le véritable progrès est celui que chaque personne, quelle que soit sa taille, peut emprunter.

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